dimanche 15 août 2010

RECETTE DE LA FRICASSE ARDECHOISE

RECETTE DE LA FRICASSE ARDECHOISE

         Pour une personne ou plusieurs si vous avez enfin de la visite

         INGREDIENTS:

         -Des pommes de terre en quantité suffisante.  Les nouvelles n'ont strictement aucun intérêt, les vieilles sont plus tendres et n'aspirent pas au repos.

         -Une feuille de laurier même si vous avez raté votre certificat d'études.

         -Un mélange poivre et sel de sel et de poivre.  De mer sera le sel et de Cayenne le poivre, et tout ceci se trouve dans la même île d'Amérique du Sud ou sur l'étagère à épices.

         -Pas d'oignons, pas de basilic, pas de coriandre, et bien moins que de demain.

         PREPARATION

         -Prenez une poêle crue que vous poserez loin du feu pour qu'elle soit bien froide avant la cuisson.

         -Avec votre courage à deux mains choisissez dans le cageot qui est dans le garage au pied de la mobylette, les plus grosses pommes de terre de votre région rurale.

         -Bien les dépoussiérer car cette poussière ne vous appartient pas.

         -Avec une petit couteau méchant, arrachez les yeux noirs qui sont en fait les racines des antennes violettes qui ont poussé dans la nuit imparfaite du garage (que l'on ouvre trop souvent d'ailleurs!).  Des antennes comme si la pomme de terre voulait discrètement écouter tout ce qui se dit dans la maison et particulièrement vos bruits à vous.

         -Rincez-les très vite sous l'eau, et séchez avec beaucoup de tendresse.

         -Pelez sans émotion, et sans détourner le regard.

         -Dans un ordre indifférent et dans le sens de la longueur, si la pomme de terre est ovale, faites de minces lamelles, presque transparentes de tendresse.  Vous pouvez vous faire aider par le soleil s'il fait beau chez vous, ou par la météo à la télévision (curseur lumière à fond) s'il fait beau ailleurs, en interposant chaque lamelle entre vos yeux et la source de luminescence.  Si une coloration miel apparaît, votre lamelle est de facto adéquate.

         -Oubliez tout ça et revenez sans vous pressez vers la poêle qui je pense doit être au même endroit qu'au début de cette recette éditée par un très bel éditeur à compte d'éditeur, que j'embrasse très fort.

         -Prenez une lamelle au hasard en évitant le délit de faciès.  Cette lamelle vous servira d'outil à oindre le dedans de la poêle, avec une goutte d'huile de Le Sieur Marc indifférente  (ceci s'appelle un message sub liminal).

         -Quand votre poêle est ointe et toujours froide, (ne pas confondre avec les femmes à poil ointes et chaudes des plages) commencer à bâtir les rondelles, en partant d'un coin qui n'existe pas, puisque la poêle est ronde, en gâteau.  C'est le même processus que l'effeuillage de la marguerite mais en sens inverse des aiguilles d'une montre si vous en avez une.

         -A chaque étage de cet édifice saupoudrer de sel et de poivre et sournoisement glisser une feuille de laurier.

         -On est bien d'accord, pour l'instant tout est froid.

         -Cherchez dans votre maison, la source de chaleur la plus tendre et fragile.  Ma mère se sert toujours du coin du poêle à mazout qui est, quelle que soit la saison, au ralenti.

          -Quand la source de chaleur est localisée, bien noter sur une carte d'état major l'emplacement exact.  Sans la surprendre, saisissez la poêle où attendent inquiètes et fébriles les lamelles bien ordonnées et qui commencent par soi-même.

         -Couvrez avec un couvercle par exemple.  Mettez en cuisson, et allez vous faire voir.

         En effet, vous n'entendrez qu'au bout d'environ une heure, crisser des petits bruits de friture, en posant une de vos oreilles sur le couvercle.

         -Vous vous êtes brûlé l'une de vos oreilles au second degré.

         -Une demi-heure après ce regrettable incident dont je ne suis pas responsable, vous pouvez retourner comme une crêpe la préparation.

         -Vous vous êtes brûlé l'avant bras.  Je préfère le dire à votre place car vous êtes occupé à brailler.

         -Il reste environ une heure de cuisson.  Je vous conseille de meubler ce temps, pas si précieux que ça, en faisant l'imbécile à la fenêtre.  Ca ouvre l'appétit et fait jaser les voisins.  Je dis "Ca" car il n'y a pas de c cédille majuscule sur çette çalope de maçhine !

         -Quand vous aurez l'intime conviction que c'est cuit, évitez le suicide et mettez-vous à table avec une belle scarole à l'ail violet.  Si c'est une laide Carole à l'air mauvais, mettez-vous au lit.

         -Si vos invités sonnent à l'huis, faites le mort, car la fricasse Ardéchoise se mange égoïstement, sans vergogne, par petites bouchées chaudes enrobées du vert vinaigre aillé, tournées en bouche et poussées en catimini par un gorgeon de vin rosé, vers l'épicentre béant de votre solitude intérieure.

lundi 9 août 2010

Pasquin

Dans ma vie d’homme Pasquin fut le premier ami. Notre royaume était l’enfance. Du Paoulandou à la Piédra, aux truites vives de la rivière, nos épaules d’enfants des angles des ruelles, à courses éperdues, étaient solides et défiaient le monde des grands.
C’étaient les « Pasquinades » à trois avec Dominique son frère.
Le départ de Pasquin c’est une île qui part, par amarres brisés.
Salut matelot des mers vaincues dans tes rêves. Tu as quitté le village et Loriani dort les oreilles pliées et les regards sourds.
Tu restes son enfant dans la mémoire des pierres écorchées par nos roulés boulés vertigineux.
Et les sentiers s'en souviennent...

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De Babiole en Ribambelles (diaporama)

De ma fenêtre il y a très très longtemps...

L'heure de l'inventaire de quelques fragilités


Fragiles

La main qui tremble
La peau qui se détache
Le visage jamais regardé
L'enfant qui regarde l'enfant
La tête entre les jambes des acrobates
              La fête fanée
Les yeux endormis contre la main
L'éponge et l’arcade
Le soir, le lilas, l'anis, l'ami
Un mot bégayé de travers
Les lèvres devant le maitre
La bouche sans fard qui recueille la larme
L'après-midi de la nuit profonde d’un chien
Un peignoir de  grand-mère dans un rêve
Un répondeur qui ne répond de rien
La façon de regarder passer une robe
Une bouche cousue et la voix du ventriloque

Et aussi très fragile le dernier mot échangé que j'ai oublié

               Fragiles

               La fleur de la toile cirée sous l’ongle agacé
               Les plis de la nuque de l’homme essouflé
               Les pointillés de la lettre timide
               Les doigts bleus sous le soulier
               La gerçure dans le fou rire
               L’ombre d’un chapeau dans l’angle d’une chambre
               La truite qui coule dans la main
               L’été arrêté dans une vague
               L’adresse dans la poche
               Le pantalon dans la lessive
               Le clin d’œil et la poussière
               L’âne le foin mouillé et l’aube
               Une mère qui déteste la confiture
               La flaque avant la roue
               L’éternité des moustaches de mon père
               L’élastique entre la balle et la raquette en bois
               Le fermoir de la gourmette volée
               Les points des chirurgies incertaines

               Fragile le dernier mot échangé

               Fragile

               Les bras tendus vers la porte
               Le marcassin  l’arbouze et la chevrotine
               Un souvenir de pays perdu
               Une ride nouvelle
               L’osier d’un cerceau
               Le nom tremblé de la signature volée
               Les enfants en rang

               Fragile l’heure dernière

Mes liens

Mes liens ils ne sont pas là
Ils sont ailleurs
Pas vers vous
Sur mes poignets peut-être
Peut-être pensiez-vous
De vous à vous
Mais ils sont là
De mon poignet à moi
Et la liane de ma forêt de fou
Est tendue en bite de jeune pourceau
Car je n’écris jamais
Que la fin de la bulle
L’éternel moment du sable qui casse la dent